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Port-Miou

L’envers du décor

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© F. Launette
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© H. Jaloux
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« Toboggan » de Port-Miou creusé pour l'exploitation de la carrière © F. Gérard
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Anciennes pierres de carrière à Port-Miou © F. Gérard
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Port-Miou au début du XXe siècle - photographie des Excursionnistes marseillais © Archives de Marseille
Port-Miou est la seule calanque faisant partie de la commune de Cassis ! Échancrure littorale bordée de hautes falaises et longue de 1400 mètres, elle est la calanque située le plus à l'est entre Marseille et Cassis. Son aspect actuel ne tient pas uniquement à l’œuvre du temps et de l’eau, mais aussi à l’action de l’homme, qui en a profondément modifié le visage…

 

Une anse à l’abri des tempêtes

Abritée du vent, Port-Miou est très tôt utilisée par les navires comme zone de mouillage. Dès l’Antiquité, elle est désignée sous le terme de Portus melior, c’est-à-dire « le meilleur port ». Les navires romains y font halte, tout comme les galères du Moyen-Âge. Il s’y déroule aussi des batailles épiques, comme celle de 1813 contre les Anglais. 

Mais l’occupant le plus prestigieux fut Grégoire XI, le dernier pape français, qui s’y réfugie les 2 et 3 octobre 1376 avec toute sa flotte. Ayant quitté le Palais des Papes en Avignon pour se rendre à Rome et y rétablir le Saint-Siège, il est surpris par une tempête, dont Port-Miou le protège. Une fois les flots redevenus calmes, il reprend sa route pour l’Italie.

Enserrée entre le cap Cacau à l’ouest et le cap Câble à l’est, cette calanque est naturellement préservée du redoutable mistral et du vent d’est. Jusqu’au XVIIe siècle, elle est le premier port du village de Cassis. Ses eaux émeraude, abondantes en poissons, étaient réputées et prisées des pêcheurs. De nombreuses madragues y étaient installées.

 

La pierre de Cassis

Si les impressionnantes falaises de Port-Miou vous semblent naturelles, sachez qu’elles ont été en fait façonnées par l’homme ! Cette roche vieille de 115 millions d’années, qui contient des coquilles d’organismes, à l’époque lointaine où les Calanques étaient immergées, a en effet subi une massive exploitation artisanale puis industrielle.

Port-Miou a été un haut lieu de l’extraction de la « pierre de Cassis », un calcaire fin et compact, connu pour sa solidité. Cette activité est connue depuis l’Antiquité : on sait que les Romains ont utilisé ce matériau pour construire les dallages du port de Massilia et pour tailler des sarcophages paléochrétiens visibles dans la crypte de l’abbaye de Saint-Victor à Marseille. Elle a ensuite été exploitée à plus grande échelle au XVIIIe siècle par les nombreuses carrières de la Cacau.

La pierre de Cassis est une pierre dure qui se polit avec le temps. Son imperméabilité en a fait un matériau de choix pour réaliser les trottoirs et les soubassements des édifices à Marseille au XIXe siècle, ériger la cathédrale de la Major, le phare de Planier, le tunnel du Rove, les quais des ports de Marseille, Toulon, Alexandrie, Port-Saïd et ceux du canal de Suez !

Elle a été employée à travers toute la Provence, notamment pour la fabrication de lavoirs et d’éviers traditionnels (les « piles » comme on les appelle localement). Pour ces usages artisanaux, elle a été longtemps taillée par la main de l’homme à l’aide de divers outils manuels, puis plus récemment à l’aide de moyens mécaniques.

 

 

La carrière Solvay

L’industriel belge Ernest Solvay met au point un procédé de fabrication de soude à partir de calcaire, réduit en granulats, et de sel marin. La soude entrant dans la composition du savon de Marseille, sa fabrication s’intensifie au XIXe siècle. La pierre de Cassis sert aussi à la confection du chlore, utile pour la fabrication du gaz moutarde.

En 1896, Solvay achète un terrain à Port-Miou pour y ouvrir une carrière industrielle. La production est acheminée par voie maritime vers les usines de soude à Marseille et aux Salins de Giraud. L’embarquement se fait à l’aide de trémies, sortes de déversoirs à pierres. Durant trois quarts de siècle, entre 6 et 7 millions de tonnes de roches sont extraites des flancs de la calanque puis broyées ! Cette profonde entaille dans la roche lui a donné sa forme actuelle…

 

Un lieu de mobilisation historique

Devant cette exploitation intensive du patrimoine naturel, la protestation monte. Le 13 mars 1910, 2 000 personnes, emmenées notamment par les Excursionnistes marseillais, se rassemblent pour dire « non » à un projet d’extension de la carrière. On parle encore de cet événement comme étant la première manifestation de protection des Calanques, et l’une des premières manifestations écologistes de France.

Après la Première Guerre mondiale, les industriels commencent à convoiter les calanques voisines de Port-Pin et d’En-Vau, mais la vive opposition de l’opinion publique conduit au classement de ces deux calanques en 1936 au titre de la loi de protection des sites et monuments naturels. Grâce à ces mobilisations, la carrière Solvay n’est pas agrandie, mais son activité continue. Elle ferme définitivement ses portes en 1981.

 

 

Arts et château

En 1943, Port-Miou sert de décor au film Le Val d’enfer de Maurice Tourneur, qui montre de précieuses images documentaires de cette activité industrielle. Et en 1948, c’est Winston Churchill, premier ministre du Royaume-Uni pendant la Seconde Guerre mondiale et artiste amateur mais estimé, qui peint les falaises creusées par l’homme. C’est un choc quand on compare cette œuvre à la toile que Joseph Garibaldi, peintre de l’École provençale, exécute à la fin du XIXe siècle, au début du chantier, et qui représente le château de Port-Miou.

Ce « château », sur la rive ouest de la calanque, est un vestige de cette époque : il a été érigé pour abriter le personnel de l’entreprise Solvay. Il sert aujourd’hui de capitainerie à la zone de mouillage léger de la calanque, et le Parc national y accueille ponctuellement le public.

 

La reconquête du site par la nature

L’exploitation de la calanque a laissé derrière elle une montagne de gravats et une entaille de plus de 800 mètres de long et 200 mètres de large, encore bien visible sur la rive ouest de la calanque. Au sol, le délaissé créé n’a pas tardé à être colonisé par des pins d’Alep et des pelouses, peuplées notamment d’orchidées sauvages protégées.

 

« Qui a vu Paris sans voir Cassis n’a rien vu. »

Frédéric Mistral

 

Le saviez-vous ?

Sous la surface, Port-Miou réserve d’autres mystères… Une rivière souterraine débouche dans la calanque, s’écoulant depuis le massif de la Sainte-Baume à travers l’une des plus grandes galeries noyées d’Europe ! Cette source est étudiée dès le XVIIIe siècle, et encore aujourd’hui n’a pas livré tous ses secrets. En octobre 2020, on y a même découvert une nouvelle espèce !

Visite et réglementation

Avant toute sortie au Parc national des Calanques, préparez votre visite et consultez les bons gestes à adopter et les réglementations à respecter.

On peut découvrir la calanque toute l’année. Les collines alentour sont également libres d’accès, sauf en cas de fermeture des massifs pour cause de risque d’incendie.

Le Parc national des Calanques ouvre au public le dernier étage de la tour du château de Port-Miou et sa terrasse attenante pour des expositions et des animations.

Pour votre sécurité, il est interdit d’accéder aux pontons.

Le sentier du Petit Prince est une promenade facile, agrémentée de panneaux explicatifs, qui fait le tour de la presqu’île de Port-Miou. Il est dénommé ainsi car on croyait qu’une des épaves retrouvée toute proche de là était celle d’Antoine de Saint-Exupéry (on découvrira finalement l’avion authentique en 2000 près de Riou).

 

Accès

L’accès se fait depuis Cassis : la calanque de Port-Miou se situe à environ 30 minutes à pied du centre-ville. Depuis le parking relais gratuit des Gorguettes, une navette permet d’accéder à la calanque, puis de continuer à pied vers Port-Pin et En-Vau.

 

 

Localisation

Coordonnées GPS : 43.212216, 5.521905

En son et en vidéo