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Une histoire de l'escalade

Une terre de pionniers dans un espace naturel fragile

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© C. Gassin - collection J. Coqueuniot
Les falaises des Calanques ont vu grandir des générations de grimpeurs qui ont marqué l’histoire de l’escalade française et mondiale. Les parois calcaires résonnent encore des noms de Gaston Rébuffat ou du couple formé par Georges et Sonia Livanos. Ses pionniers de l’escalade ont à jamais inscrit leur sport dans l’identité du Parc national. Retour sur une histoire riche de près d’un demi-siècle.

 

La naissance de l’escalade dans les Calanques

L’acte de naissance de l’escalade dans les Calanques correspond à l’ouverture de la section Provence en 1875 par le Club alpin français, et surtout à l’ascension, en 1879, de la Grande Candelle par Francis W. Mark, vice-consul britannique à Marseille.

Pendant un demi-siècle, les motivations des pionniers rejoignent alors celles de l’alpinisme classique, tournées vers la conquête des sommets et l’exploration des endroits vierges… C’est d’ailleurs sous l’impulsion des grimpeurs que s’ouvrent les accès pédestres des endroits les plus reculés du massif des Calanques, tels le val Vierge ou le Devenson.

 

L’école des Calanques au sommet

En 1936, un jeune postier marseillais est l’auteur d’un véritable coup de théâtre : avec un nombre réduit de pitons, Henri Barrin vient à bout de la rébarbative face nord du rocher des Goudes. Cet exploit technique provoque une révolution et lance une dynamique telle qu’en moins de dix ans, des grimpeurs comme Albert, Tanner, Rébuffat et Livanos portent l’activité au plus haut niveau.

Avec les réussites de Rébuffat, Livanos et Gabriel dans les massifs du Mont-Blanc et des Dolomites, l’école des Calanques brille au firmament de l’alpinisme mondial. Invité à l’expédition de l’Annapurna, premier 8 000 mètres gravi, Rébuffat joue un rôle majeur dans la survie d’Herzog et Lachenal. Avec 500 voies ouvertes dans les Calanques à son actif, le plus souvent avec son épouse Sonia, Georges Livanos domine l’escalade marseillaise pendant un quart de siècle.

 

 

Des années 60 à nos jours, transmission et évolution

Les générations qui suivront celle de Rébuffat et Livanos continueront d’enrichir la pratique et de faire rayonner l’école des Calanques. C’est ainsi qu’apparaissent les traversées au-dessus de la mer, privilégiant le cocktail escalade et découverte.

Ces aventures mi alpines, mi marines ont pour théâtre le Devenson (Coqueugniot, Cassin), Castelvieil (Kelle, Bourges, Mandin) ou le cap Morgiou (Charles, Fenouil, Vaucher). Au tournant du millénaire, l’escalade dans les Calanques se réinvente autour d’une nouvelle génération de grimpeurs toujours en activité.

 

Un patrimoine culturel dans un patrimoine naturel

De son vivant, le légendaire Gaston Rébuffat interpellait déjà sur la beauté et la fragilité des Calanques. En plus de receler une précieuse biodiversité, le Parc national des Calanques compte aujourd'hui plus de 5 000 voies d’escalade qui attirent les grimpeurs du monde entier. Il s’agit d’un des espaces naturels les plus denses en nombre de voies d’escalade. Les grimpeurs y apprécient particulièrement ses remarquables falaises en bord de Méditerranée. Des calanques de Marseille au cap Canaille, il y en a pour tous les goûts et tous les niveaux.

Certains espaces naturels particulièrement précieux et fragiles sont préservés de toutes les activités humaines. La pratique de l’escalade n'est donc pas permise dans les zones d'éboulements des crêtes de Sormiou, dans la fragile calanque des Pierres tombées, à la « muraille de Chine » et sur l’archipel de Riou où nichent notamment les puffins. Afin de protéger la nidification des oiseaux comme le cormoran de Desmarets ou le faucon pèlerin, certains autres secteurs peuvent être temporairement fermés. Les grimpeurs cohabitent ainsi en toute tranquillité avec la nature.

 

Ensemble pour une escalade éco-responsable

Aujourd'hui, quelles sont les conditions de pratique d’une escalade durable dans les Calanques, à la fois pour le milieu et pour les pratiquants ? Pour répondre à cette question, le Parc national dialogue avec les principaux acteurs locaux : propriétaires fonciers, mouvement sportif via la Fédération Française de la Montagne et de l’Escalade (FFME) et la Fédération Française des Alpins et de Montagne (FFCAM) mais aussi les clubs de pratiquants, les professionnels de l’escalade, quelques équipeurs, etc. La Commission Escalade a d’ailleurs été officiellement créée à l'initiative du Parc national en 2018 pour garantir une pratique durable par un dispositif pérenne, concerté et transparent.

La priorité d’action repose aujourd'hui sur l'entretien et la sécurisation de ce très vaste patrimoine existant. L'entretien des voies, comme leur création, doit faire l’objet d’une demande d’autorisation auprès du propriétaire foncier et du Parc national.

 

Ce texte est en partie adapté d’une contribution de Bernard Vaucher, auteur du livre Des rochers et des hommes.

 

« Ce pays a une âme : c’est un lieu de rencontre, l’eau, la pierre verticale, le soleil, le ciel s’y retrouvent, et le vent, quand il en a envie. Dans ce temple de la nature, l’homme est toujours invité. »

Gaston Rébuffat