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Etat zéro pour les phyllo de Riou

Phyllodactyle d'Europe © Jean-Patrick Durand
Un nouveau suivi se met en place sur le territoire du Parc national des Calanques. Cette fois, on s’intéresse au Phyllodactyle d’Europe de l’île de Riou.  

Un gecko menacé par les espèces introduites ?

Le Phyllodactyle d’Europe (Euleptes europaea) est un reptile de la famille des geckos. C’est un petit lézard au corps aplati et à la peau lisse pouvant changer de couleur (clair la nuit, sombre le jour). Son dos est couvert de petites écailles de couleur noirâtre à brunâtre. Sa tête, relativement grosse, comporte deux gros yeux globuleux, recouverts de paupières transparentes et toujours fermées. Sa taille n’excède généralement pas sept centimètres et son poids moins de deux grammes.

Cette espèce rarissime à l’échelle mondiale, ne se retrouve que sur certaines îles et îlots de la Méditerranée occidentale. On la retrouve donc naturellement sur les îles du Parc national, où leurs populations restent mal connues et potentiellement menacées par les rats. Et c’est justement en prévision d’un renforcement des actions de contrôle des populations de mammifères introduits, qu’un suivi des phyllodactyles est aujourd’hui initié…

Rats des villes, rat des îles

Le rat est présent sur les îles de Marseille depuis l’Antiquité, certainement débarqué depuis des navires. Ses populations ont fortement augmenté au cours des dernières décennies en lien avec la présence renforcée des goélands, elle-même encouragée avec l’explosion des déchets dans nos centres-villes depuis les années 1970. L’histoire est désormais bien connue : plus de déchets alimentaires en ville c’est plus de nourriture pour le goéland, dont les populations augmentent. Plus de goélands c’est plus de fiente et donc un sol enrichi en azote. Plus de fientes et d’azote dans le sol c’est des plus de végétaux, dont les rats pourront se régaler. Et plus de rats c’est finalement… une prédation plus importante sur de nombreuses espèces des milieux insulaires.

Manip Phyllo
Manipuler une espèce aussi petite et fragile demande du savoir faire © Gaël Palos - Parc national des Calanques

Un état zéro pour suivre l’évolution des populations

En lien avec les progrès en matière de gestion des déchets à Marseille et grâce aux actions de contrôle des populations de goélands et de rats sur les îles, la situation s’améliore un peu pour les espèces insulaires. Les rats ont notamment été éliminés des petites îles qui forment l’archipel de Riou, à l’exception de son île principale : l’île de Riou. En vue d’une intensification des actions de contrôle sur les populations de mammifères introduits sur cette île, le Parc national a mis en place un nouveau suivi naturaliste. 

Conçu par le bureau d’étude Agir écologique, le protocole scientifique, déjà éprouvé sur d’autres territoires, consiste dans l’installation de 50 gîtes artificiels à phyllodactyles et le suivi de leur colonisation 3 fois par an, sur une durée de 5 ans. À chaque visite, les gîtes sont inspectés et tous les individus rencontrés y sont notés, mesurés, pris en photo et leur âge est évalué.

Les gîtes, qui consistent en 3 tuiles de terre cuite empilées, sont des lieux de repos diurnes de choix pour les geckos. Installés en juin, ils viennent d’être inspectés pour la première fois au mois d’octobre. 70% des gites sont colonisés, la plupart du temps par un petit nombre d’individus. Ce point zéro permet de donner une première image des populations de phyllodactyles de l'île de Riou. Les prochaines campagnes permettront d’évaluer si les actions à venir lui bénéficieront.

Un suivi peut en cacher un autre

Les perturbations liées aux mammifères introduits sur les îles ne se limitent pas aux populations de phyllodactyles. La présence du rat, en miroir de celle du goéland, perturbe l’ensemble des cortèges floristique et faunistique. Aussi, plusieurs suivis sont en cours pour évaluer les effets d’un meilleur contrôle des populations. Pour la flore, un réseau de placettes témoins a été identifié. Les passereaux font quant à eux l’objet d’un inventaire par point d’écoute. Un suivi entomologique est également envisagé. Quant aux oiseaux marins (Puffin de Scopolli, Puffin Yelkouan et Océanite tempête), ils bénéficient de suivis anciens et toujours en cours.