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Agriculture et pastoralisme

Élevage et terroir dans les Calanques

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Ruines de restanques à Sainte-Frétouse
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Restanques à Luminy © F. launette
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Vignes en restanques à Cassis © F. Ferreira
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Berger et ses moutons à Carpiagne - photographie ancienne
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Berger et ses moutons à Marseilleveyre - photographie ancienne
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Vue de la Gineste par Émile Loubon
Depuis la Préhistoire, le massif des Calanques est parcouru par les hommes qui y trouvent refuge et nourriture. Les ressources du territoire permettent des productions agricoles variées. En retour, l'élevage et la culture marquent durablement le paysage. Bien comprendre la genèse des espaces des Calanques permettra-t-il de mieux penser leur avenir ?

 

Du temps de Massalia

Nombreux sont ceux qui évoquent dès l’Antiquité l’aridité de la région, et notent que les principales cultures sont l’olivier et la vigne (que l’on retrouve aujourd’hui dans le terroir de Cassis), comme le fait notamment Strabon, géographe grec du Ier siècle de notre ère. Mais à cette époque, c’est surtout Justin, historien romain du IIe siècle, qui après avoir conté le mythe fondateur de Marseille, évoque la question de l’agriculture naissante comme un signe de civilisation proprement méditerranéenne :

« Sous l’influence des Phocéens, les Gaulois adoucirent et quittèrent leur barbarie, et apprirent à mener une vie plus douce, à cultiver la terre et à entourer les villes de remparts. Ils s’habituèrent aussi à vivre sous l’empire des lois plutôt que sous celui des armes, à tailler la vigne et à planter l’olivier, et le progrès des hommes et des choses fut si brillant qu’il semblait, non que la Grèce eût émigré en Gaule, mais que la Gaule eût passé dans la Grèce. »

 

Les cultures façonnent les pentes

Jusqu'au XIXe siècle, l'eau est rare dans les Calanques. On cultive principalement des plantes adaptées au climat aride (oliviers, figuiers, amandiers, pois chiches, lentilles et vigne) sur des terrasses aménagées en pierre sèche appelées « restanques », visibles encore aujourd'hui à flanc de collines comme à Sainte-Frétouse. Quelques fermes témoignent encore de cette activité, comme à Carpiagne et à la Gardiole.

Pour se chauffer, se nourrir et fabriquer des produits dérivés, on récolte aussi le bois et la résine de conifère dans la forêt méditerranéenne : pins, acacias, chênes, thym, romarin et autres arbustes recouvrent une partie du continent et la plupart des îles.

 

 

Des troupeaux dans les collines

L'élevage de moutons et de chèvres est également pratiqué depuis l'Antiquité. Les massifs des Calanques offrent de grands espaces de pâturage recouverts de « baouque » (herbe à mouton) : bien que trop pauvres pour alimenter du gros bétail, ils suffisent aux petits ruminants qui fournissent viande, laine et lait. La mère de Schopenhauer le confirme au début du XIXe siècle : « la viande de bœuf est rare, et le veau plus encore, parce qu’il n’y a pas de pâture pour ces bêtes autour de Marseille. L’on doit se contenter de la viande de jeunes chèvres, d’agneaux et de moutons qui prospèrent à merveille sur les rochers couverts d’herbes aromatiques ».

Après Émile Loubon qui peint les collines et les troupeaux, David Dellepiane sera l’un des seuls à représenter ce spectacle atypique des bergers et des bêtes évoluant en bord de mer. Quelques fermes et de nombreuses bergeries (localement nommées « jas ») sont érigées : les promeneurs peuvent actuellement en observer les vestiges au détour de leurs itinéraires.

Au fil des ans, les troupeaux deviennent très nombreux et rasent littéralement la végétation environnante, à tel point que les autorités du XVIIe siècle doivent légiférer pour protéger l'exploitation du bois et les cultures d'oliviers et de vignes. Émile Zola écrivait d’ailleurs à propos de ces terres marseillaises : « Le pays est superbe. Vous le trouveriez peut-être aride et désolé. Mais j'ai été élevé sur ces rocs et dans ces landes pelées, ce qui fait que je suis touché aux larmes quand je les revois ».

 

La grande question de l'eau

Les troupeaux survivent grâce aux nombreux points d'eau aménagés par l'homme dans les massifs de Saint-Cyr et des Calanques. Les précipitations sont rares dans la région, alors on creuse des puits pour atteindre les nappes phréatiques, on aménage des citernes pour conserver les eaux de pluie. Pendant plusieurs siècles, ces apports en eau suffisent à la population et à la production agricole.

Mais la population marseillaise augmente et l'eau vient à manquer régulièrement. En outre, la ville connaît cinq ans de sécheresse entre 1778 et 1783. On décide alors de construire le canal de Marseille : en 1849, les eaux de la Durance sont acheminées jusqu'à la ville.

 

De nouveaux paysages

La construction du canal de Marseille et des réservoirs d'eau associés permet de développer le maraîchage au détriment du vignoble, qui régresse notablement. Les restanques sont abandonnées : il ne reste aujourd'hui que des broussailles sur les pentes ensoleillées autrefois propices à la vigne. L'élevage connaît le même sort : chèvres et moutons disparaissent peu à peu au XIXe siècle, après avoir largement transformé la végétation des Calanques.

À contempler les paysages actuels des Calanques, on peut donc voir la nature reconquérir d'anciens espaces agricoles abandonnés par les générations précédentes... de quoi faire méditer sur l'avenir que l'on souhaite leur donner.

 

« Marseille est une ville en amphithéâtre, entourée de hautes collines de roche nue, distantes de 13 à 20 kilomètres. Le paysage de cet amphithéâtre est un amalgame de collines, de vallées et de plaines. Celles-ci sont évidemment riches. Les collines et les vallées sont vouées à la culture. Lorsque je les contemple depuis le château de Notre-Dame-de-la-Garde, il semble qu’il n’y ait pas un demi-hectare sans maison rurale. »

Thomas Jefferson