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Marc Pastorelli – Un chasseur sachant chasser

Ciotaden très attaché à son territoire, Marc Pastorelli nous partage sa passion héréditaire pour la chasse à travers laquelle il tisse un lien fort avec la vie sauvage. Consterné par la perte de biodiversité, il est tout à fait disposé à faire évoluer la pratique, tout en évoquant la responsabilité de l’urbanisation et de l’évolution de nos modes de vie.

Portrait par Éric Lenglemetz, recueil du témoignage par Noëlie Pansiot.

De père en fils

On ne se lève pas un beau matin en se disant qu'on va être chasseur. C'est, je pense une hérédité. Moi, mon arrière-grand-père, mon grand-père et mon père étions chasseurs. Je suis chasseur, mais bon, ça s'arrête là, mon fils n'est pas chasseur, il a trente-trois ans, il n'a pas voulu suivre cette tradition. Je le comprends.

Pour moi, la chasse, ce n'est pas un art de vivre ou un sport ; c'est ancré dans mes gènes, c'est familial, c'est quelque chose qu'on perpétue.

On traîne un peu tous le stress que le modernisme nous a apporté, mais lorsqu'on se retrouve en pleine nature, il y a une espèce de communion qui se fait. Tu as une charge émotionnelle parce que tu es en contact avec la nature, en plein air, sans personne autour de toi, personne qui va te donner des ordres, tu as tes chiens avec lesquels tu as nourri une complicité.

Quand on va chasser, l'action de chasse est plus gratifiante que le tir lui-même. Et combien de fois aujourd'hui, le fusil ne parle plus parce que je regarde partir l'animal, j’ai une empathie, une autre philosophie…

La vie sauvage menacée

On a connu l'abondance dans la chasse. Il y a quelques années en arrière, il y avait énormément de gibier. C'était juste qu’on avait moins d'immobilier à La Ciotat, il y avait beaucoup plus de terrains dans les collines. Aujourd'hui, l'immobilier a pris du territoire en pagaille.

Je suis né ici, je suis attaché à mon territoire natal et depuis 60 ans, j'ai vu évoluer la ville. Mais il y a des coins qui n'ont pas bougé et je me réfugie là parce que c'est un retour en arrière, c'est une espèce de nostalgie. Parce qu'on a beaucoup tendance à parler de la mer, mais la terre, ça comptait aussi à La Ciotat. Il y avait la pêche, oui, mais aussi la chasse, l’agriculture, le pastoralisme.

Ça disparaît avec le temps, avec le modernisme, et puis maintenant, on vit avec ce qu'il reste. Voilà, on est un peu confinés, alors c'est pour ça, quand les gens nous disent que la chasse c'est cruel, d’accord, mais il y a beaucoup d'autres choses qui sont cruelles aujourd'hui et qu'on ne voit pas.

Moi, j'ai vu la diminution des espèces. Je ne le vois pas trop dans les espèces chassables, mis à part le lapin qui est en voie de disparition, c'est pour ça que je n'en tire plus et qu'on fait des efforts pour le remettre.

Mais les becs-fins, rouges-gorges, fauvettes, mésanges à tête noire, mésange à queue rouge... Ces oiseaux-là, on en voit de moins en moins, alors que ce sont des espèces non-chassables. J'ai un petit morceau de terrain et je vois disparaître les espèces : les sauterelles, les papillons de nuit... Il y a deux ans, je voyais des loriots. C'est un oiseau magnifique qui arrive avec les cerises, il est jaune et noir, il siffle, on dirait un homme. J'étais toujours émerveillé quand j’en voyais mais maintenant, je n’en vois plus. Donc je sais qu'il y a quelque chose qui se passe, je le constate.

C'est véritablement désastreux : s'il n'y a plus d'insectes, il n’y aura plus d’oiseaux, et s'il n'y a plus ces oiseaux, il n’y aura plus les prédateurs de ces oiseaux, et cetera et tout s'effondre. C'est un effet domino.

En plus de ça, il y a les conditions climatiques qui évoluent. Là aujourd'hui, on va en colline, il n'y a pas un renard, ils sont tous près des habitations. Pourquoi ? Parce qu'il n’y a plus rien à manger et que c'est sec. Donc, quand les gens vont se faire bronzer sur la plage, eh bien nous, on va faire un tour dans les Calanques pour remplir des abreuvoirs.

Evolution de la pratique dans un souci de préservation

Alors je veux dire une chose qui va peut-être choquer certaines personnes, mais grâce au Parc national, on a pu conserver un terrain vierge de construction et mettre des espoirs dans le devenir cynégétique.

Bien sûr, il y a des réglementations, il y a des lois auxquelles on est assujettis, on respecte. Je pense que la chasse, elle peut exister avec le Parc national des Calanques, on est obligé de s'accorder.

J'ai appris beaucoup de choses avec le Parc, j'ai connu des gens, j'ai participé à tout ce que le parc avait fait sur les trames vertes et bleues, ça m'a apporté une culture.

On a fédéré quelque chose et on s'est retrouvé sur des constats qui étaient identiques. D'ailleurs, dans la charte du parc, il y a trois activités qui sont la pêche, l'agriculture et la chasse qui sont intégrées de fait, mais bon qui sont peut-être sous le coup d'une épée de Damoclès... Mais si nous, on arrive à gérer la chasse d'une manière cohérente avec eux on pourra continuer à pratiquer notre activité sans dévaster la population du gibier.

On restera dans des zones disons raisonnables de prélèvement. J'ai discuté avec des gens du Parc qui n'étaient pas du tout opposés à la chasse au contraire. Bon, il y a des désaccords, c'est normal. Mais on arrive à avoir des convergences.

En tant que chasseurs, depuis 15 ans, on a un autre regard, on est rentré dans une profonde gestion, une gestion de l'espace vital des animaux et de ce qu'on peut leur apporter pour qu'ils puissent se tenir. Alors certes on en prélève, mais à côté de ça, on va en laisser, on ne va en prendre qu'un, pas dix, parce qu'on a besoin de revoir du gibier et pérenniser notre passion. Et comment on la préserve ? En préservant les animaux ; c'est paradoxal, mais c'est comme ça.