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Vincent Vilmer – L’évasion verticale

Grimpeur chevronné, Vincent Vilmer a immédiatement été séduit par le charme des parois calcaire des Calanques. Il a pu faire de sa passion son métier et il nous partage son bonheur de faire découvrir les plaisirs et les valeurs de l’escalade à un public varié. 

Portrait par Éric Lenglemetz, recueil du témoignage par Noëlie Pansiot.

Les Calanques, paradis des grimpeurs depuis plus d’un siècle 

Je suis venu à Marseille il y a vingt ans, pour grimper dans les Calanques. Aujourd’hui, je suis diplômé d’Etat en escalade, je partage ma passion en emmenant les gens grimper. Les Calanques, c’est un massif incroyable. Les parois ont les pieds dans l'eau, on a vraiment le contraste entre mer et falaises qui est assez unique. Et puis, c'est à côté d'une ville grande comme Marseille et j'avais quand même envie d'être proche d'un milieu urbain. Pouvoir le fuir vite, mais pouvoir en profiter aussi.

Dans les Calanques, on trouve tous les niveaux d'escalade et toutes les orientations possibles avec pratiquement toujours une vue superbe sur la mer. Donc ça fait une expérience exceptionnelle pour tous les grimpeurs. Selon les saisons, on va se cacher du soleil ou au contraire, aller le chercher. On peut trouver des voies très difficiles dans des parois surplombantes, mais aussi des voies faciles ; des voies d’une longueur ou des grandes voies, avec plusieurs longueurs. J'aime bien cette variété.  

En tant que grimpeur, on va chercher des émotions fortes, de dépassement de soi, mais aussi de camaraderie avec ses compagnons de cordée. Et puis on vient aussi chercher le milieu naturel, respirer un peu hors des villes. D’ailleurs, faire des activités de pleine nature est devenu de plus en plus important chez de plus en plus de monde. Et on constate une nouvelle fréquentation dans les Calanques, qu’il faut gérer et c’est un vrai casse-tête. En tant que professionnel qui emmène des groupes sur des sites où il y a potentiellement d’autres grimpeurs, la question de la fréquentation se pose évidemment. Il faut savoir partager l’espace intelligemment, ce n’est pas évident. 

Un patrimoine à entretenir

Je suis également chargé de mission à la Fédération Française de Montagne et d'Escalade pour entretenir cet immense patrimoine que constituent les voies d’escalade. Il faut savoir que les Calanques ont toujours attiré les grimpeurs. D'ailleurs, les grimpeurs des Calanques étaient souvent des montagnards aguerris dans les Alpes, parce que les parois des Calanques sont complexes. Certaines voies ont été ouvertes il y a plus de cent ans !  

Il faut donc entretenir ces voies, et une partie de mon travail est d’organiser les chantiers de rééquipement. Je dois aussi parfois résoudre des problématiques environnementales, en concertation avec des gestionnaires comme le Parc national des Calanques. Par exemple, si un faucon pèlerin, qui est une espèce de rapace protégée, niche proche d’une voie d'escalade, on va faire en sorte que les grimpeurs ne puissent plus y aller pendant la période de nidification. Ainsi, j'ai cette chance d’être souvent en contact avec des naturalistes et c'est pour moi très intéressant d’avoir leur vision du terrain et d'apprendre aussi la richesse de la nature environnante. 

Partager les valeurs de l’escalade 

Je travaille avec un public très varié et j'adore ça. Ça peut aller des touristes américains aux personnes détenues de la prison des Baumettes. Un Américain dira « Wow, it's amazing ! What a beautiful place ». Et d'autres « wouah sa mère la **** comme c'est beau ».

Avec les détenus, ce sont de superbes journées de partage où on vit de belles choses.  Déjà, ça nous fait plaisir de les sortir de ce milieu si difficile qu’est la prison, et on ressent leur émotion dès qu’ils mettent un pied dans les Calanques. Et ensuite, je les pousse à se challenger, à aller le plus loin possible, à dépasser la peur du vide pour certains. Je leur apprends la gestion du risque et la confiance aux autres.

En plus, je travaille avec toute la prison, donc pendant les sorties, j’emmène les détenus, mais aussi des surveillants, des directeurs, des juges… et ça leur permet de se voir d’un autre œil et d’être sur un pied d’égalité, le temps d’une journée. D'un coup, les détenus voient le surveillant de façon beaucoup plus humaine. Ce n’est pas que le gars qui est venu fouiller la cellule pour trouver un téléphone ; c'est un gars qui a eu peur en escalade ou avec qui on a eu une crise de fou rire parce qu’on a glissé et qu'on a eu la même peur d'être pendu à une corde, à trente mètres de haut.

Il y a parfois des réticences entre le détenu et le surveillant à faire une cordée commune, mais dans ces cas-là, je suis intransigeant, j’insiste pour que ces échanges aient lieu. Comme quand je travaillais dans les quartiers Nord et que certains mecs refusaient de se faire assurer par une fille. Je voulais casser cette peur débile. Pour moi, l'escalade est un formidable outil pour travailler plein de valeurs pédagogiques et de choses importantes dans la vie.